
Notre route dans Prince William Sound
 Entre mi-Juillet
2003 et fin Septembre 2003, nous allons passer presque deux mois à explorer la baie.
Il y a de nombreux mouillages et la baie fait 100 miles de long et 100 miles de
large avec des paysages bien différents selon le côté vers lequel on se
tourne. Incluant la ville de Valdez, toute la partie Nord est remplie de
fjords très profonds se terminant pour la plupart par des glaciers
alimentés par la neige des hautes montagnes. On trouve à l'Ouest le
village de Whittier, distant de 62 miles de la ville d'Anchorage. L'Ouest
est très granitique, et les glaciers glissent sur les façades lisses des
montagnes. Le Sud regroupe des îles, inhabitées pour une grande partie,
avec cependant beaucoup de faune aquatique et terrestre. L'Est comprend,
outre le village de Cordova, un immense delta formé par la Copper River
qui doit son nom à la présence de mines de cuivre découvertes en amont de
son delta et exploitées à partir de 1890. Les oiseaux y sont présents avec
de nombreuses espèces migratoires, ainsi que des castors, des élans, des
loups et une quantité incroyable d'aigles pygargue et bien sûr, les ours
noirs et bruns.
 Notre première escale est pour la baie bien
abritée de Sawmill, juste à la sortie de la
baie de Valdez. Il y a déjà au mouillage quatre bateaux. Pas de voilier.
Ce sont des trawlers : bateau à moteur qui se déplacent à vitesse moyenne
de 10 noeuds. Tous les propriétaires sont en train de nettoyer du poisson
sur la plateforme arrière. La pêche leur a été favorable. Nous sommes
bredouilles pour l'instant. Il est vrai qu'il faut respecter quelques
règles pour attraper les saumons : déjà, avoir le bon leurre bien installé
sur la bonne longueur de ligne, puis la vitesse du bateau ne doit pas
dépasser 2 noeuds. C'est très lent 2
noeuds surtout quand on est pressé d'arriver au mouillage et
de découvrir les paysages. Quelquefois, une petite brise bienvenue nous
fait envoyer le foc et nous allons à la bonne vitesse. Mais cela ne suffit
pas toujours la preuve : notre seau à poisson se lamente d'être encore
vide. Mais bon, il fait un soleil magnifique et nous sommes en tee-shirt
sur le pont à fêter l'arrivée de Chantal et Bernard. On garde espoir. Le
lendemain, nous partons en exploration dans la baie en annexe. Il y a une
rivière avec beaucoup de mouvements de poissons. Optimiste, j'avais
emporté la canne à pêche. Dés les premières tentatives, cela mord... Nous
ramenons pour le dîner un saumon et deux autres poissons de roche. Le
saumon est de l'espèce saumon rose (Pink salmon) aussi nommé Humpies (qui veut
dire bossu) car lors de son passage en eau douce, il lui apparaît une bosse sur
le dos. Voir informations sur les saumons à la page :
Les Saumons

Le second mouillage est pour l'anse de Jade Harbor.
Situé à l'est de Heather Bay, le mouillage est très bien abrité des
growlers (vêlés par Columbia Glacier) par Heather Island faisant barrage.
Sous un beau soleil, nous mouillons l'ancre par 4m de fond dans l'eau qui
semble refléter la couleur des arbres
environnants. En fait, ce sont les algues du
fond qui donnent par transparence cette
couleur de jade ou d'émeraude à l'eau. D'ailleurs, l'anse voisine
s'appelle Esmerald Cove !!!

Sur la colline adjacente, nous faisons une ballade pour atteindre un petit
lac sur les hauteurs. Nous traversons une forêt d'arbres plusieurs fois
centenaires. Le sol est recouvert d'un tapis
spongieux appelé le
"muskeg", sorte de mousse très dense qui reste imbibée d'eau et ne s'écrase
pas sous le pied. Heureusement, nous sommes chaussés de bottes, pas
forcément les meilleures chaussures pour la marche mais sûrement les plus
efficaces contre l'humidité. Sur le chemin du retour, là où nous sommes
passés un moment plus tôt, on découvre un "bear sign" tout frais ou
autrement dit une crotte d'ours. Bon, nous voici prévenu : les ours aiment
se balader aussi, et surtout ils aiment fréquenter les buissons de
myrtilles qui font partie, avec les saumons, de leur alimentation
principale. Nous aimons tout autant les saumons que les myrtilles, on
devrait se croiser... Chantal et Bernard n'auront pas l'occasion
d'apercevoir un de ces mammifères que ce soit de près ou de loin. Dommage,
une prochaine fois, j'espère.



Par contre, le spectacle des
growlers (petits icebergs) tout autour du bateau nous aura bien marqué.
Car le lendemain, nous quittons Jade Harbor pour voir le glacier Columbia.
C'est le glacier le plus grand et le
plus célèbre dans toute la baie. Il a amorcé depuis plus de trente ans un
retrait ; entre 1982 et 1997, il a reculé de 6 miles créant ainsi une
grande baie d'une profondeur moyenne de 900 pieds,
et très souvent encombrée d'icebergs de toutes tailles. Malgré la
volonté du capitaine d'aller au plus près, nous ne pourrons pas approcher
de son front car c'est un "champ" très dense de
growlers qui nous attend. Au loin, la façade du glacier fait plusieurs
centaines de mètres de large.
Le déplacement du glacier et l'effet
d'érosion par l'eau de mer sur sa
façade sous-marine font que quelques fois des morceaux
énormes de glace se détachent de la paroi se trouvant sous l'eau.
L'iceberg émerge alors à la surface
de l'eau en provoquant une vague en rapport avec la masse de glace
déplacée. C'est en cela qu'il est très dangereux
de "raser" les fronts de certains glaciers, non
seulement il faut surveiller la
façade dont quelques pans peuvent s'écrouler mais encore
surveiller le fond de l'eau d'où peut surgir
un énorme iceberg. Nous restons donc très
éloignés de toute cette activité et on se contentera de pousser
doucement de l'étrave quelques growlers. En s'approchant, ils nous
semblent petits mais en fait ils se révèlent suffisamment gros pour
stopper le bateau.
Il faut se rappeler que la densité de la glace se situe
entre
0,77 et 0,99 selon sa qualité.
Un iceberg contient entre 1 et 10% d'air, par conséquent quand il
flotte, la partie immergée représente environ entre 80 et 88% du volume
total. Il existe une classification des "glaçons" selon leur taille.
Tout d'abord le "brash ice" c'est une accumulation de glaçons
flottants composés de fragments de diamètre inférieur à 1,80m ; puis vient
le "growler", il est de couleur verdâtre, de diamètre
supérieur à 1,80m, mais ne dépassant pas 1m du dessus du niveau de l'eau de mer ; le
"bergy bits" un grand morceau de glace flottante, dépassant entre
1m et 4,50m de la surface de l'eau, environ de la
taille d'une petite maison ; puis en dernier l'
"iceberg" : très grande
pièce de glace qui dépasse les 4,50m au-dessus du niveau de la mer.
Jean-François prend un grand plaisir à manoeuvrer entre les growlers. Mais
restons vigilants : un growler devient instable en fondant et peut se
retourner sous la poussée de l'étrave ou simplement avec le sillage d'un
bateau de pêche.
Le soleil encore au rendez-vous donne à cette
journée un éclat incroyable.



Quelques modèles d'icebergs.

Quelques uns de growlers.
Le temps maussade menace et dès que l'ancre a touché le
fond de l'eau dans Long Bay, il a commencé à pleuvoir. Patago 50 n'est pas
encore équipé d'un chauffage, ni de moquette pour isoler du froid venant
des planchers. L'humidité renforce l'impression de froid. Les soupes, les
cafés chauds et même le rhum des Antilles sous la forme de ti'punch
parviennent tout juste à nous réchauffer. Le mieux encore est de
sortir sous la pluie taquiner le saumon.

Ilots de Long Bay.
Après deux jours à Long Bay, nous prenons le
chemin du retour. Nous faisons escale à Shoup Bay située à l'entrée de
la baie de Valdez Bay. L'ancre plonge dans l'eau couleur bleu laiteux. Elle vient
tout droit de la rivière sous le Shoup Glacier. Quelques growlers dérivent
doucement dans la baie et viennent frôler la chaîne et la coque. Nous
attrapons les plus petits morceaux de glace pour l'apéritif ! La
géographie de cet endroit est intéressante. Avec
les années, le glacier a fondu et s'est retiré vers le fond de la vallée
en créant deux baies qui se suivent. La première baie est délimitée à
marée basse par un seuil de 2m, formé par la moraine frontale du glacier.
La température de l'eau est très froide et frise les 2°C. Dans le bateau,
nous arrivons à atteindre péniblement les 15°C avec l'aide du four où cuit
le pain. La deuxième baie est presque complètement fermée par une deuxième
moraine frontale. Il y a juste un petit goulet qui permet l'accès à la
2ème baie et au front du glacier. A l'étal de pleine mer, nous nous
engageons tous les 4, en annexe. Mais le courant sortant est encore trop
fort, et Jean-François nous dépose sur le côté et s'engageant seul, réussit
à passer. De notre côté, nous rejoignons par la terre le bord de l'eau de
la deuxième baie. Nous croisons un couple de kayakistes venus camper. Très
bien équipés, ils ont une tente pour dormir et une autre pour la
cambuse avec un petit poêle à bois, on aperçoit d'ailleurs la cheminée
émergeant du toit de toile... On découvre aussi les boites métalliques
spécialement étudiées pour y enfermer la nourriture : ceci afin de ne pas
attirer les ours. Jean-François nous attend déjà, on embarque et à petite
allure on se dirige vers le fond de la vallée. On commence par
longer un îlot recouvert à 100 % de nids d'oiseaux essentiellement de
mouettes, criantes, hurlantes, jacassantes, bref bruyantes. Et pourtant on
fait un long détour. Il y a au pied de l'îlot apparemment un groupe de
chercheurs, photographes, scientifiques, avec micros, appareils photo et
calepins. On comprend mieux l'affolement des mouettes....

Au détour de l'îlot, on découvre le glacier. Epoustouflant. La baie est
couverte de "brash ice" aiguisée que nous évitons de toucher avec
l'annexe (c'est une gonflable... et l'eau est froide...). Approcher en
annexe un glacier, c'est quelque chose. Chantal d'ailleurs émettra
quelques suggestions d'éloignement au capitaine qui n'avait pas
l'oreille attentive ce jour-là. Bizarre.
On réveille un couple de
phoques ou d'otaries (je n'ai pas pu voir les oreilles, signes
distinctifs) qui plongent du tabulaire où ils étaient endormis.
Jean-François échoue l'annexe sur la plage près de la rivière qui coule
de dessous du glacier. On entend les craquements de la glace... Pas le
moment de s'approcher trop près.
Déjà, Chantal et Bernard
doivent repartir vers la France, tout émerveillés encore par les paysages
du Prince William Sound. On se retrouve seuls à bord, cela nous fait
toujours bizarre.
De suite, de retour à Valdez, on commande un chauffage : un Dickinson,
le modèle Antartic. Jean-François l'installe, pendant que je taille dans
des chutes de moquette de quoi isoler les planchers et ainsi tenter de
limiter le froid qui s'obstine à remonter des fonds du bateau. Ca ne
rigole plus, à la fin de la journée, il fait 20°C dans le bateau. Il reste
au programme le double vitrage des hublots par un plexi plus fin, et
condamner provisoirement les capots ouvrants par de la mousse d'isolation. Nous sommes encore en juillet !!!
Comment seront les mois d'hiver ???
En attendant les premiers frimas, nous partons de conserve avec Didier et
Sophie et les enfants en exploration dans la baie. Nous faisons la route au moteur car en été, la baie n'est que
très peu ventée. En sortant de la baie de Valdez, par brouillard
et bancs de brume, nous plongeons la ligne de traîne, élaborée sur les conseils de
Nino : ça marche ! Merci Nino ! Jean-François se
bagarre avec un saumon qui s'est pris à la ligne. On l'a remonté et dans
la jupe, il se défend comme un diable, mais Jean-François fait mieux comme
diable et finalement le saumon finit dans notre seau à poisson. Enfin, un
premier saumon de 56 cm. Le soir, on retrouve avec plaisir Sauvage,
mouillé
dans Jade Harbor.

Après une balade à terre, puis sur la moraine du côté de Columbia Glacier
voir les growlers échoués sur la berge, on reprend la route et un soleil
magnifique sur un ciel nuageux, nous permet de faire de belles photos des deux voiliers dans le
champ de glace. Puis route vers Long Bay. Quelle surprise de voir passer
en fin d'après-midi une maman ours noir et son petit ourson le long
de la berge, distante de 20m du Patago au mouillage (Mais, où avons-nous
mis l'appareil photo ? Ah le voilà, mince, ils sont trop loin maintenant)
Puis plus en avant dans le fond de la vallée, vers la prairie, un gros
ours noir viendra brouter. Observation prudente à la jumelle. On quitte le
lendemain matin Long Bay avec de la brume
accrochée aux cimes des arbres et sous la pluie. Un passage de la baie
est exposé à la houle du Sud mais toujours pas de vent. Que le
chauffage est agréable dans ces conditions humides et fraîches ! Nous
arrivons à Esther Passage, chenal étroit rejoignant Port Wells, bordé
de deux coteaux abrupts recouverts de conifères. Nous allons mouiller
dans Cascade Cove, c'est un petit décrochement dans la côte où
débouchent de très nombreuses rivières. Un tour à terre pour aller
cueillir quelques "salmonberries", sorte de grosses mures oranges ou
rouges, et retour au bateau pour pêcher quelques poissons de roche,
délicieux dans la soupe.
Le jour se lève très tôt, et nous faisons route vers
Harriman Fjord. Dans la journée, nous
passerons devant 4 glaciers. Le premier que nous apercevons est le Glacier
Cascade, dans le fond de Barry Arm. Comme l'indique bien son nom, il
dévale de très haut la montagne et de loin on dirait une énorme cascade
d'eau. Se faisant chauffer au soleil de juillet, plusieurs loutres de mer
s'étalent sur des growlers tabulaires. Certaines ont des petits qu'elles
transportent sur le ventre.

Toujours au moteur, on avance jusqu'à frôler
de l'étrave Barry Glacier situé entre Cascade
et Coxe Glacier. On entend la glace "craquer"...
Je monte dans l'annexe et prend un peu de recul pour
photographier Patago devant la façade du Glacier. C'est très
impressionnant. On entend un claquement comme
une explosion et un petit pan de glace tombe
dans l'eau. Craignant une vague gigantesque, je m'éloigne rapidement du
brash ice un peu trop aiguisé à mon goût et à celui de l'annexe... et
attend Jean-François dans les eaux libres. La chute ne provoque que
quelques remous mais j'entends les glaçons qui s'entrechoquent. Je
collecte avec l'épuisette quelques gros morceaux de glace pour la
glacière.

Patago 50 devant Barry Glacier
Puis on se dirige vers une petite baie très bien abritée : Serpentine
Cove. Il y a un seuil à l'entrée de la baie que nous franchissons à marée
haute. Un glacier recouvert de gravas et de sable noir dévale la montagne
jusqu'à notre mouillage. Le bleu de la glace n'en parait que plus profond.
En plus de la rivière provenant de la fonte du glacier, il y a une autre
rivière qui se jette dans l'anse et sur ses berges on aperçoit quelques
traces d'ours. Il règne un calme et un silence merveilleux. Nous
entendons tout juste les rivières et les quelques mouettes et goélands
toujours présents. Le soleil est fort et nous sommes en tee-shirt sur le
pont. Mais dés que le soir approche et que le soleil disparaît derrière
les montagnes, le froid apporté par les glaciers tout proches se fait
ressentir.

Rivières et végétation dans Serpentine Cove.

La nuit se passe très calmement
et au matin, sous les bancs de brume qui se
lèvent dés que le soleil revient, nous levons l'ancre pour Harriman Fjord
et son glacier qui barre tout le fond de la
vallée. Petit arrêt devant Surprise Glacier qui présente des aiguilles
très effilées à son sommet. Même opération que précédemment, je
pars en annexe pendant que Jean-François
longe la façade à petite allure. Il n'y a que
très peu de brash ice,
c'est plus rassurant pour moi. Devant la façade,
il y a 90 m de profondeur...

Aiguilles de Surprise Glacier
 
Après la séance photo
devant Surprise Glacier on se dirige vers le fond de la vallée pour se
retrouver face au Harriman Glacier. Il en occupe toute la largeur et sa
particularité est que nous avons accès à pied sur la moraine frontale. Le
paysage sur les hauteurs est absolument magnifique et la vue récompense
les efforts d'escalade. Nous passons la nuit au mouillage au pied du
glacier à écouter les "détonations" de la glace en mouvement et les
frottements des growlers le long de la coque. Des rafales de vent dévalent
parfois le glacier et rafraîchissent sérieusement l'air. L'eau est
toujours très froide et n'invite pas au bain.

Sur la moraine frontale de Harriman Glacier.

Cascade d'eau douce et très fraîche
 Enfin, une petite brise nous
permet de hisser les voiles lors de la navigation entre Harriman Glacier
et le mouillage de Curloss Island.
Nous croisons beaucoup de bateaux de pêche en pleine
activité accompagnés par de gros bateaux collecteurs. Les
dauphins de Dall toujours aussi rapides dansent autour de l'étrave. Nous
entrons dans Curloss Bay et mouillons par 10m de fond. Grâce à Didier et
Sophie, nous découvrons une ancienne mine d'or désaffectée, ainsi que de
nombreux vestiges tels que chariot et rails, restes de machine à casser la
roche. Nous avons emporté des torches pour explorer le tunnel de la mine.
Il s'enfonce horizontalement dans la roche puis vers le haut comme une
cheminée. Plutôt claustrophobe, je ne m'avance que très peu à l'intérieur
du couloir, et m'arrête dès que je ne vois
plus l'ouverture derrière moi. J'aperçois au plafond la veine de quartz
qui a contenu les cristaux d'or. Didier nous dit que plus en avant dans le
tunnel, des restes de vieux étais et planches nous montrent comment les
mineurs avaient accès à cette veine qu'ils exploitèrent verticalement. A
l'entrée de la mine, à l'aide de nos marteaux nous cassons des cailloux
avec l'espoir de trouver LA pépite... Mais
seulement quelques milligrammes de cristaux seront découverts et encore
beaucoup ne sont que simplement de la pyrite, aussi appelée l'or des fous
? Il faut voir comment on se prend facilement au jeu, et je comprends
mieux maintenant l'acharnement des orpailleurs qui passaient leur vie
entière à gratter la terre et les cailloux au début du siècle. Le
lendemain matin au réveil, un ours noir traverse la plage... La même plage
où nous avons débarqué la veille.

Chariot et machine à casser les cailloux pour l'extraction de l'or
Nous voici déjà mi-août et nous n'avons pas
encore décidé de notre lieu d'hivernage. Sur la carte, il y a trois
villages principaux dans toute la baie : Valdez, Whittier et Cordova.
Valdez ne nous attire pas plus que cela. Trop touristique avec une
quantité impressionnante de mobile home. Pas de contact avec la population lors de nos
différents séjours, sauf avec Catherine et Ron
présentés par Didier et Sophie. De plus, pendant l'hiver il tombe à Valdez
beaucoup de neige. Sommes-nous prêts à déblayer parfois deux fois dans la
nuit le pont du bateau ??? Whittier n'a pas eu les suffrages espérés.
Toutes les personnes, dont l'avis sur ce village fut sollicité, nous ont
déconseillé de passer l'hiver là-bas. Il n'y a rien. C'est une ancienne
base militaire avec deux grandes tours. A part la proximité d'Anchorage,
le village ne présente pas d'intérêt. Reste donc à visiter Cordova. Nous
décidons de quitter provisoirement Sauvage et son équipage pour aller voir
ce que nous réserve l'est de la baie.
A l'entrée du port, une loutre nous observe. Dès notre arrivée, nous nous
sentons à l'aise. Le village a beaucoup de points communs avec
Kodiak. C'est un joli village de pêcheurs et dans le port, les rares
voiliers et quelques house boat avoisinent les bateaux de pêche. La pleine
saison de la pêche au saumon rend tout le monde très actif. Les bateaux
entrent et sortent du port, déchargent leur cargaison dans les
conserveries. Notre entrée dans le port est remarquée et Dolorès et
Matthew, rejoints par Ken Adams, père de Matthew, attrapent nos amarres.
La visite du petit village est rapide, mais nous tombons aussitôt sous le
charme. John, le mari de Dolorès
nous emmène dans un bâtiment rénové qui est le Forest Service. C'était
l'ancienne poste avant le tremblement de terre de
1964. Nous y trouvons des informations sur tous les sentiers aux alentours
de Cordova, le Delta de la Copper River, la pêche au saumon, et la piste
de ski équipé d'un téléphérique, le plus vieux des Etats Unis. Les tarifs
de la place du port sont satisfaisants. Pour un bateau de 15 m comme
Patago, la place est à 1050$ pour un an, incluant l'eau. L'électricité est
desservie par la compagnie électrique locale, qui facture à la
consommation. A la fin de la première journée, la décision est prise,
c'est à Cordova que nous passerons l'hiver. Il reste encore de beaux jours
avant de désarmer le Patago, nous repartons donc en exploration dans la
baie.

Le 20 août, les pêcheurs annoncent l'arrivée du Saumon d'Argent qui remontent en masse
les rivières. Maintenant, bien équipés, nous attrapons chaque jour notre
quota de saumons et préparons les conserves pour l'hiver. Nous rencontrons
Claude et
Dominique, un couple de
français voyageant sur un catamaran, que nous
avions "loupé" de peu à
Hawaii et naviguerons un moment ensemble dans la baie. Leur projet est d'aller hiverner
dans Inside Passage au Sud-est de l'Alaska.
Tous les jours, le saumon est au menu, on ne
s'en lasse pas. Cru, en papillote, en gratin, à la poêle, toutes
les recettes sont essayées. Les promenades à terre sont
l'occasion aussi de ramener des myrtilles pour les confitures ou les
tartes. Je ferai aussi des conserves pour varier les desserts cet hiver.


Des herbes très hautes (1,50m) comme des épis bordent les rivières à
saumon, et nous cachent la visibilité. Sur de larges zones, les herbes
sont couchées, les ours et loutres se roulent dedans tout en dégustant les
saumons. Nous faisons toujours beaucoup de bruit afin de ne pas surprendre
un ours en plein repas. Nous verrons des
traces de patte d'ours dans la vase d'une rivière. Ce devait
être un gros spécimen. Un peu en hauteur, les prairies environnantes sont
un vrai régal, la végétation est clairsemée et on se déplace sans
difficulté. Nous notons les changements de couleur des feuilles et du
muskeg qui tournent au roux, tandis que nous avançons dans le mois de
septembre. En pleine transformation, les saumons luttent contre le courant
pour remonter les rivières peu profondes et sont si nombreux qu'ils se
touchent et forment une barrière mouvante en travers du cours d'eau. Par
contre, le spectacle est effarant de voir les saumons échoués en
aval de la rivière, morts après avoir frayé. L'odeur de décomposition est
très forte.

Nous passons une journée à
Ellamar, petit regroupement de maisons près de Tatitlek village. La plage
est couleur rouille, nous trouvons à demi caché par la végétation une
énorme machine à vapeur qui a servi lors de l'exploitation de la mine de
cuivre entre 1898 et 1929. Puis, il y eu une conserverie dans les années
30 à 40. Maintenant les seules maisons sont parfois habitées à l'année et
plus souvent des maisons secondaires.


Landlocked Bay est un mouillage bien protégé, avec
cependant de bonnes rafales de vent qui descendent des montagnes
encerclant complètement la baie. Dans le fond de la baie, il y a une
grande prairie avec deux rivières à saumons, on pourrait bien voir un
ours, c'est le terrain idéal. Nous mouillons à proximité d'une cascade
dans 2 m d'eau, à marée basse. Sur notre guide, il y a des anciennes mines
de cuivre désaffectées. Nous partons
avec Claude et Dominique en exploration, et escaladons le flanc de la
montagne à leur recherche en contournant de grands arbres bien
rectilignes. Les cailloux extraits de la mine était ramenés vers le bord
de mer par des chariots et un câble. Les
cailloux peu riches en minerai étaient rejetés et déversés sur le flanc de
la montagne créant de longues traînées blanches dans la végétation jusqu'à
la mer. Ces rochers nous aideront à localiser l'entrée de la mine. Une
autre mine prés de la cascade était un puits creusé dans le sol, il était
comblé à notre passage, mais l'herbe toute
couchée aux alentours, nous indique que le coin est visité par les gros
ours. Au matin, nous apercevons un ours noir sur la prairie...

Mouillage de Hole in the Wall accessible par un goulet étroit et peu
profond.
La partie ouest de la baie que nous visitons est le Glacier Nelly Juan et
l'île Knight. Dans un environnement granitique, on retrouve les mêmes
prairies, parsemées de petits lacs. C'est un vrai plaisir que d'aller s'y
promener. Les myrtilles font ployer les branches des buissons. Le
mouillage où nous passons plusieurs jours s'appelle Derickson Bay, une
toute petite anse bien protégée prés du Glacier Nelly Juan. La couleur de
l'eau est bleu vert. C'est l'un des plus beaux mouillages que l'on ait vu.
Nous serons rejoints par deux trawlers et un voilier... finlandais. Les
voiliers à se promener dans la baie sont vraiment peu nombreux. Nous
retrouverons ce voilier et son sympathique équipage à Cordova où ils
hiverneront aussi. La végétation vire maintenant au marron, et les
feuillus deviennent non feuillus !! Le froid commence à se faire sentir
pendant la journée. Et les saumons semblent avoir disparus de
la baie.


Nous passons plusieurs
jours dans la baie de Drier Bay sur l'île Knight. Nous apercevons deux
jours de suite une maman ours et ses deux petits, et un autre jour un gros
ours noir. Je suis contente de pouvoir les observer depuis le bateau. Le
21 septembre, les sommets ( 800 m environ ) des montagnes entourant le
mouillage se couvrent de neige. Le pont du bateau est gelé. C'est le signe
pour nous de rallier Cordova et de prendre nos quartiers d'hiver.
Cordova : Patago 50 est à
la place que lui a attribué le maître du port : H38. Sur le même ponton,
il y a deux autres voiliers habités, américains. Plus tard, le voilier
finlandais s'installe. Nous préparons notre voilier pour l'hiver : les
voiles sont séchées, affalées, pliées puis rangées dans le peak avant,
l'annexe gonflable et son moteur sont rincés et remisés à l'avant aussi.
L'annexe rigide reste sur le pont avant bien amarrée. Tous les cordages
non utilisés sont remisés. Je débarrasse tous les coffres sous les
planchers des conserves et bocaux de verre qui y étaient entreposés.
L'humidité de l'air dans le bateau va condenser au contact de la coque
froide et formera des gouttelettes d'eau. Ces gouttelettes vont se
regrouper et s'écouler vers les points les plus bas du bateau : les fonds
; il ne restera plus qu'à vider régulièrement l'eau accumulée.
L'hiver à Cordova est
parait-il moins froid et moins enneigé qu'à Valdez. La suite nous le dira.
Nous sommes prêts. Suivez notre hivernage avec la page :
Cordova-Village.
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